La légèreté

Publié le par Le surfer solitaire

La légèreté

 

 

 

 

 

    La légèreté dans ce monde est quelque chose de rare.

    C’est vrai  : chaque matin, ne sommes-nous pas une majorité qui, à peine sorti des brumes du sommeil, commence déjà à penser à ce qu’elle va accomplir durant la journée qui s’annonce ?

    — Allons-nous réussir telle ou telle chose qui nous tient à cœur ; allons-nous bien nous y prendre ? pensent les uns.  
    — Ce que nous nous apprêtons à vivre, est-ce bien ce que nous souhaitons vivre ; ou devrions-nous, finalement, changer de vie ? pensent les autres. 
    — Avons-nous fait fausse route à un moment ou à un autre de notre existence, plaçant ainsi l’être que nous sommes (et l’histoire que nous portons) sur une voie située « hors-destinée » ? se demande avec inquiétude d’autres encore.

    Dans tous les cas, cela n’a rien de léger. Dans tous les cas, cela prend d’assaut notre esprit, le mettant en ébullition dès les premières lueurs du soleil.

    Et comme s’il n’y avait pas que le futur qui nous préoccupait, le passé peut s’en mêler lui-aussi, et nous faire nous demander :

    Qu’avons-nous fait de notre temps sur cette terre jusqu’à ce jour ? Ces secondes, ces minutes et ces heures, qui sont comme des crédits renouvelés chaque jour, les avons-nous utilisé du mieux que nous l’avons pu  — du mieux que nous l’avons pu en fonction des circonstances ?

 

    Le monde a été fabriqué avec des problèmes. Même s’ils n’étaient pas présents au début de l’histoire (l’histoire du monde aussi bien que l’histoire de chaque personne), quelque part, toutefois, ils existaient. De manière latente, tel un germe prêt à s’épanouir. Le monde n’a pas été fabriqué de manière sereine. Dans la recette on y a inclu les problèmes, et surtout on a permis leur développement, on les a rendu... possibles.

    Le pourquoi d’un tel état de chose n’est, et ne sera sans doute jamais accessible à l’Homme. C’est triste, je trouve. C’est triste de ne pas savoir pourquoi il a été permis cela. Comme si ce n’était déjà pas assez d’évoluer le long d’une route sinueuse, pleine de trous et de pièges... En plus de ça il a fallu que nous ignorions la, ou les causes, qui nous ont fait prendre cette route.

    Donc, nous ne savons pas pourquoi nous sommes embarqué dans la vie, et, comme si ça ne suffisait pas, cette dernière n’a rien de léger.

 

    Ah... si seulement la vie pouvait se consommer comme une belle et légère île flottante ! Nous ne la sentirions certes pas passer (car c’est l’apprêté des choses qui active notre conscience du temps qui s’écoule), mais au moins nous serions préservés des souffrances et des malheurs, nous serions tenus à l’écart de ce lot de douleur — qui ressemble à une fatalité propre à l’Homme — que chacun de nous entasse dans sa besace.

    Mais ce n’est pas le cas, et pour supporter cette vie, cette existence, il nous faut parfois nous la représenter comme une sorte de grosse tarte à la crème... Oui, comme une grosse blague, en somme. Une blague potache, une sale blague d’enfant méchant. Ou innocent.  

 

    Je rêve, parfois, d’être léger. Je rêve de ne plus sentir mon corps — ou plus exactement, ne sentir de lui que sa légèreté. Sa légèreté qui serait comme une caresse intérieure... un fluide se déversant dans chacun de mes organes, les traversant, les imprégnant, pour ensuite aller se promener ailleurs, dans d’autre partie du corps.

    Oui, je rêve d’harmonie homéostatique.

    Cette sensation ressemblerait au flux et au reflux des océans. Elle serait comme une marée intérieure, une marée de bien-être... parfaitement synchrone avec les éléments extérieurs qui la provoquent.

    Ainsi j’aurais atteint une sorte de plénitude.

    Mais, est-ce que dans un tel contexte, la vie telle que je l’ai toujours connu ne me manquerait-elle pas ? Cette vie dont j’aurais malgré tout gardé le souvenir — un souvenir parfois âpre, douloureuse, parfois excitant, source de joie — , ne serait-ce pas avec nostalgie que ma mémoire viendrait en exciter la réminiscence ?

 

    La vie n’est pas légère et c’est peut-être tant mieux.

    Ce que nous devons nous demander est : aimons-nous la saveur de la vie ? L’aimons-nous telle qu’elle est, telle qu’elle se présente à nous ? C’est-à-dire avec son propre mystère, avec les joies et les misères qu’elle nous inflige ? Si la réponse est oui, alors nous devons considérer sa lourdeur et son mystère comme étant des éléments aussi importants que sa légèreté, car ils participent, eux aussi,  à cette saveur que nous aimons et qui la rend... unique.

 

 

 

 

S’il fallait vivre pour vivre,

S’il fallait vivre pour aimer,

C’est ce que j’aurais voulu.

 

Balavoine

 

 

 

Publié dans Textes

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article